- Présentatrices / journalistes / huissières
- Les Magistrats du Siège rappellent les faits
- Vidéosurveillance hôtel
- Témoignage de la victime
- Questions à l’Accusé par les Avocats de la Défense
- Audition Experte Toxicologue
- Question du Ministère Public à la Victime
- Rapport de l’Experte psychiatre et enquêtrice de personnalité
- Question des Parties Civiles à une Experte
- Plaidoirie de la Partie Civile
- Réquisitoire du Ministère Public
- Plaidoirie de la Défense
- Délibéré
- Annonce du verdict
- Salut au public
La Cour d’Assises du LFM, réunie au théâtre le jeudi 29 mai 2025, a condamné à 2 ans d’emprisonnement M. Archie Bauffe pour des faits de viols en réunion commis à Bordeaux en 2017 avec 2 autres rugbymen après une soirée où l’alcool avait coulé à flots. 8 ans après, il s’en tire à très bon compte car il encourait 20 ans de réclusion criminelle : le jury était très divisé sur la culpabilité - le consentement était au centre des discussions - et les jurés ont été sensibles aux arguments développés par la Défense comme au temps qui s’est écoulé depuis la funeste soirée.
Samedi 11 mars 2017, Charlotte Aufraize (étudiante de 20 ans) fête un anniversaire écumant avec ses amis les pubs et discothèques de Bordeaux. Au bar, elle fait la connaissance de plusieurs rugbymen dont Archie Bauffe (22 ans). Entre “troisième mi-temps” des uns et anniversaire des autres, l’ambiance est bonne et l’alcool consommé à outrance.
Charlotte se sent bien dans la fête et son amie ne s’inquiète pas des risques de la soirée. Pourtant l’Experte estime que Mme Aufraize avait presque 3 grammes d’alcool dans le sang à 4 heures du matin quand elle monta dans le taxi avec les rugbymen. La Médecin Toxicologue rappelle implacablement les effets du bingedrinking (boire ponctuellement mais en grande quantité, généralement en soirée) très banalisé parmi la jeunesse : “Mme Aufraize était en état d’alcoolisation avancée, entraînant des troubles de la coordination, une confusion mentale, et un comportement plus impulsif”. Charlotte ne pouvait donc ni marcher correctement comme on le voit sur les images de videosurveillance de l’hôtel diffusées en début d’audience, ni parler de façon cohérente ni penser avec clarté — un état incompatible avec un consentement libre et éclairé qui amène les Avocates Générales à retenir les circonstances de “viol par surprise et contrainte” de l’article 222-23 du Code Pénal...
Lors de son réveil, le dimanche 12 mars 2017 vers 7h du matin, elle est toute nue dans un lit de chambre d’hôtel, entourée de 3 hommes également nus et avec une béquille dans son vagin. Encore assommée par les effets de l’excès d’alcool et horrifiée par la situation elle se prête encore aux services sexuels qu’on lui demande. “Ces rugbymens ont profité du fort taux d’alcoolémie de notre Cliente pour avoir des relations sexuelles soi-disant consenties !” ont martelé les Avocates de la Partie Civile, extrêmement pugnaces tout au long de l’audience.
Mme Aufraize porte plainte le jour même et les tests réalisés le dimanche midi révèlent un taux d’alcoolémie de encore 1,21 g/l pour la victime tandis qu’il est estimé par l’Experte Toxicologue à 0,39 g/l pour M. Bauffe au même moment. Cette différence montre une inégalité de lucidité entre les deux parties, renforçant l’idée d’un abus de vulnérabilité de la part des rugbymen. De plus le Code Pénal considère l’alcoolisation des Accusés comme une circonstance aggravante du viol.
Parallèlement la Psychiatre et Enquêtrice de personnalité, chargée par la Cour d’évaluer le profil de l’Accusé, a décrit un jeune homme équilibré, sociable et qui a grandi dans une famille stable et aimante. Il pratique le rugby depuis l’âge de 14 ans. Il arrête ses études après le bac pour passer professionnel. Il déclare que ce sport lui a “tout appris” notamment “le respect, le courage et la fraternité”.
M. Bauffe n’a jamais nié les faits - il produit lui-même les sextapes enregistrées par ses amis dans la chambre d’hôtel - mais conteste fermement le viol puisque, selon lui, “elle était d’accord”. Lors de son audition, il déclare souriant : “Si elle rentrait à l’hôtel avec nous à 4 heures du matin, ce n’était pas pour jouer aux cartes !” — une phrase glaçante, révélatrice de son état d’esprit et de celui de ses 2 camarades rugbymen au cours de cette soirée : naïveté ou stratégie de défense, difficile de trancher.
Le monde du rugby, sport emblématique de la virilité et de la puissance physique, est souvent perçu comme un univers où la masculinité dominante règne. Comme dans d’autres sphères de la société, l’ombre des violences sexuelles s’y est parfois manifestée. Ces derniers mois, plusieurs affaires ont éclaté, dénonçant des actes inappropriés ou même violents de la part de rugbymen comme lors du fiasco de la tournée d’été 2024 de l’Équipe de France en Argentine. Or, le mouvement social #MeToo, qui a secoué le monde entier en donnant la parole aux victimes d'abus sexuels depuis 2017, est en train de se propager au rugby.
Dans ce procès il aura beaucoup été question de la “culture rugby” et de ses répercussions sur les représentations des sportifs, sur leurs actes et sur l’exemple qu’ils donnent. En normalisant des comportements de domination sexuelle qui sont en fait sanctionnés par le Code Pénal, elle contribue à l'entretien de la culture du « mâle dominant », crée des traumatismes durables chez les victimes mais brise également la vie de jeunes hommes comme M. Bauffe, poursuivant, 8 ans après, son entreprise de séduction auprès de la Cour avec malice et décontraction, et que ses Avocats ont pris soin de présenter comme “un super papa d’une petite fille de 4 ans”...
Note du professeur : cette affaire est largement inspirée d’un fait réel. Dans la vraie vie, les principaux protagonistes ont été condamnés en décembre dernier par la Cour d’Assises de la Gironde à des peines de 12 à 14 de réclusion criminelle. Ils ont fait appel, l’affaire sera donc rejugée.