[PROJET JUSTICE] Affaire Jean Bombeur
L’art de la séduction numérique
Le mardi 28 mai 2024 s'est tenu au théâtre du LFM le procès d'Assises de Jean Bombeur, retraité, accusé de viol par “surprise”. Écrit et interprété par le groupe 1 de la classe de 206 dans le cadre du Projet “Justice”. Ci-dessous l’article écrit par notre groupe de journalistes de L'Époque.
Maurizio P, présentateur et animateur du procès
Mathéo B. et Maurizio P.
Madrid, Espagne - 28/05/2024
Qu’est-ce que le catfishing, l’art de la séduction numérique?
Le catfishing, qui consiste à usurper une identité en ligne, est une pratique courante depuis de nombreuses années. Rien de plus facile que de modifier son identité numérique pour protéger sa vie privée, surfer anonymement, commettre un méfait ou... séduire.
Ce sujet s’est retrouvé au centre des débats lors du procès de Jean Bombeur, accusé de viol.
Inès G, l'experte psychiatre est interrogée par Isabella C de la Partie Civile
En mai 2020, Carla Paroledor, professeure de yoga à Poitiers, âgée de 38 ans, “matche” avec Laurent Houtan, un bel italien du même âge sur le réseau de rencontre Kinder. Petit à petit, une relation amoureuse se développe au fil de leurs échanges de plus en plus enflammés sur la plateforme.
En juillet de la même année, Carla accepte donc avec joie d’aller le rejoindre à Nice pour leur première rencontre dans la vie réelle.
Laurent lui demande d'entrer dans son appartement et de se bander les yeux pour ne pas le voir. Elle doit se dénuder et le rejoindre dans la chambre en se laissant guider par sa voix, qu’il qualifie lui-même de "magique". Elle s'exécute. Ils s’étaient déjà mis d’accord sur Whatsapp…
Le jour de leur rencontre, tout se déroule donc comme prévu. Enfin… A un détail prêt. Après avoir fait l’amour les yeux bandés, elle enlève son masque. Stupéfaite, elle découvre alors que l’homme qu’elle pensait avoir rencontré en ligne ne correspond pas du tout à celui avec qui elle vient de partager un moment intime. Il s’agit en réalité d’un homme beaucoup plus âgé. Sous le choc, elle se rend immédiatement au commissariat de police de Nice pour porter plainte pour viol.
Derrière Laurent Houtan se cache en réalité Jean Bombeur, un retraité de la SNCF, âgé de 68 ans.
Mais retournons dans la salle des Assises.
A la barre, Carla Paroledor, la victime. Le jury, composé de 3 hommes et 4 femmes, a pu entendre le récit des faits. Elle y explique qu’elle fut en effet séduite par Laurent et a consenti à ses propositions pimentées. Mais également le traumatisme subi par la duperie dont elle s’estime victime. Suite à ce choc, elle explique au jury avoir souffert d’une grave dépression et avoir dû suivre un traitement psychologique.
C'est au tour des avocats de la Défense de prendre la parole. Les deux jeunes avocates soutiennent que Carla a consenti à avoir des relations sexuelles avec l’accusé, sans qu’il n’y ait eu aucune trace de résistance ou d'agression de la part de M. Bombeur. En revanche, la stratégie de la Partie Civile est de démontrer que les conséquences de cette relation sont suffisamment graves pour justifier la condamnation de M. Bombeur.
La juge appelle ensuite Monsieur Bombeur à la barre. La magistrate lui demande s'il considère avoir manipulé Carla, ce à quoi il répond par la négative: “je suis un séducteur, pas un violeur !”.
La Présidente annonce les plaidoiries. La Partie Civile présente Carla comme une femme forte qui en dénonçant ce viol contribue à forcer la Justice et derrière elle le Législateur à delimiter des frontières claires entre la séduction et le viol. Elle rappelle également que M. Bombeur fut en contact avec 342 femmes différentes et possède 200 photos intimes.
De son côté, la Défense dépeint M. Bombeur comme un homme simple avec des fragilités, qui utilise une « technique de séduction extraordinaire » et initie sa partenaire à un simple jeu sexuel dont le "mystère” est partie intégrante. Cependant selon l’experte psychiatre, Jean Bombeur est un manipulateur, terrifié à l'idée d'être abandonné.
Il faut prendre en compte plusieurs éléments pour prouver l’innocence ou la culpabilité de M. Bombeur. Carla Paroledor a accepté d’avoir une relation sexuelle selon les termes de M. Bombeur. C’est un acte consenti, comme elle l’a elle-même reconnu, ce qui devrait donc alléger un peu les chefs d’accusation contre Jean Bombeur.
Mais selon le Ministère Public et le Code Pénal, il existe 4 circonstances qui déterminent un viol : la violence, la menace, la contrainte et… la surprise. Le fait qu’elle ait consenti à avoir une relation sexuelle peut-elle affaiblir l’accusation de viol par surprise ? Voilà tout l’enjeu de ce procès.
Le jury, composé des 7 jurés, accompagné de Mme Acchiardo et des deux juges
Après un verdict qui a mobilisé le jury plus longtemps que prévu - signe que la culpabilité ne faisait pas consensus - les jurés encadrés par les deux magistrats ont finalement condamné l’accusé à une peine de 8 ans d’emprisonnement pour viol, l’usurpation d’identité qui s’est maintenue jusque après la relation sexuelle grâce au bandeau constituant la surprise.
M. Bombeur a manifesté sa consternation mais est bel et bien sorti du tribunal menottes aux poignets. Il dispose de 10 jours pour faire appel.